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le dragon rouge.

il nous a dit son nom. C’est le comte don Alvarès de Tolède. Une chose qui m’a encore plus surprise que l’élégance de son costume, la délicatesse de ses manières et l’expression de son regard, c’est la facilité avec laquelle il parle le français. À peine sent-on, lorsqu’il s’anime, un léger accent, qui n’ôte rien, je vous jure, au plaisir infini de l’entendre. Enfin, Tristan et moi sommes enchantés de cette rencontre. Nous nous regardons comme sauvés. De son côté il se dit très-heureux de nous avoir connus et d’avoir eu l’honneur de nous faire accepter ses services.

« Vous voyez, chère maman, que nous ne vous cachons, Tristan et moi, aucune des impressions que nous recevons en Espagne. Vous nous avez recommandé la franchise : je ne saurais vous en montrer davantage qu’en vous disant à cœur ouvert qu’après mon oncle, le commandeur, dont nous parlons sans cesse Tristan et moi, pour le regretter et le pleurer, aucun homme ne m’a paru jusqu’ici, permettez-moi l’aveu, aussi complétement aimable que don Alvarès.

« Hier au soir, il faut que vous sachiez tout, par une galanterie exquise, don Alvarès nous a envoyé à profusion des sorbets glacés, des fruits des Indes et des fleurs magnifiques. Nous étions occupés, Tristan et moi, à nous extasier sur ces gracieux présents, lorsqu’à minuit le bruit d’une sérénade nous a attirés à la croisée. La sérénade était pour nous. Je me suis endormie aux doux sons de la viole d’amour, de la guitare et des castagnettes. En vérité, ce don Alvarès, convenez-en, est charmant. Il est à peine jour dans nos appartements, et voilà qu’un petit domestique indien, jaune comme une orange, nous apporte de la part de son maître, don Alvarès encore, un billet où il nous prie d’assister à une fête qui se donne à la Grotte de Calypso, et qui durera trois jours. Trois jours de fête ! Ce soir la première fête. Tristan accepte, et je vais songer à mes trois toilettes. Soyez de moitié par la pensée, chère maman, dans tous les plaisirs que nous goû-