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le dragon rouge.

— Pardonne-moi, mon enfant, pardonne-moi ; oh ! pardonne-moi !…

— Marine, qu’as-tu fait ?

— J’ai prié un moine de Saint-Maur de m’aider à te tromper. C’est lui, c’est un moine qui a taché avec du sang la première lettre, c’est lui qui a contrefait, dans la seconde lettre, la signature du commandeur ; c’est ce moine qui t’a écrit la lettre que tu as reçue hier au soir. Le commandeur est bien mort.

— Est-ce bien vrai ? s’écria la marquise en soulevant Marine, en la mettant sur son séant, en opposant pâleur à pâleur.

Et, sans attendre la réponse de Marine, la marquise la laissa tomber sur son oreiller, poussa un cri d’aigle blessé à mort, et sortit comme une folle de la chambre qui avait entendu cette étrange, cette épouvantable confession.

Peu d’instants après, la voiture qui avait ramené la marquise du bal de la cour passa encore sous la double porte de l’hôtel et partit au galop.

La marquise de Courtenay avait quitté Paris.


xxxii

Une des belles qualités qu’il importe de reconnaître à Paris, c’est l’absence totale de mémoire. Il oublie avec une égale facilité le bienfait et le crime, le héros et l’assassin, le bonheur et la calamité. Il donne à chacun son jour ou son heure, puis il passe à un autre objet d’attention.

Au bout d’un mois il ne s’occupa pas plus de l’expulsion de la marquise de Courtenay, de sa disparition et de celle de son