— Tu te souviens, reprit Marine, dont la sueur coulait par gouttes à ses tempes, que je te dis, d’accord avec tout le monde, que le commandeur avait été tué dans son duel au bois de Vincennes.
— Oui, mais ce n’est pas vrai, répliqua la marquise ; je te convainquis toi-même, et depuis lors tu n’as plus persisté dans ton idée. Nous savons bien maintenant, toi et moi, qu’il est vivant. Voilà d’ailleurs sa lettre, celle d’hier.
La marquise mit la lettre dans la main fiévreuse de Marine.
— Je me tus, c’est vrai, reprit Marine ; je fus de ton avis contre celui de tout le monde.
— Tu continuas à porter mes lettres au couvent de Saint-Maur.
— Oui ! je continuai à porter tes lettres au commandeur.
Ici Marine jeta sur le visage de la marquise un coup d’œil de repentir, comme les mourants seuls en trouvent entre la terre et le ciel.
— Oui, poursuivit Marine, qui recueillait toutes ses forces, oui je lui portais tes lettres ; mais les réponses du commandeur…
— Les trois que j’ai reçues de lui, interrompit soudainement la marquise : celle où était une tache de sang, la première lettre, celle qui ne renfermait que sa signature, et enfin la dernière, celle d’hier soir, m’ont été portées par un moine, par quelque jardinier, par quelque employé du couvent. Je sais qu’elles n’ont pas été portées par toi.
— Mon enfant, ce n’est pas ce que j’ai à te dire et ce que je ne t’aurais jamais dit probablement si je n’avais été, comme ce soir, sur le point de rendre mon âme à Dieu.
Toujours penchée sur le visage de Marine, la marquise brûlait de recueillir le mot suprême de cette confession.
— Je t’ai vue, continua Marine, si désolée de cette mort du commandeur, si obstinée d’un autre côté à ne pas y croire, et puis je t’aime tant…
— Et puis ? demanda la marquise.