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le dragon rouge.

— Reste. C’est le moins pressé ; encore une fois je n’ai pas peur, et mon mal, je le connais. C’est une fluxion avec point de côté, fièvre au cerveau. Ça me bat dans la tête comme le bourdon de Notre-Dame.

— On en revient souvent, toujours…

— Soit ! mais laissons mon corps. Je te le donnerai tout à l’heure, et tu en feras tout ce que tu voudras. Je suis bien plus inquiète, bien plus tourmentée pour mon âme.

— Toi ! ma bonne Marine ? Mais tu es une sainte.

— Il y en a de plus saintes dans le calendrier.

— Est-ce que je ne sais pas, minute par minute, toute ta vie, que tu m’as donnée ?

— Tu ne sais pas tout.

— La fièvre qui t’agite en ce moment te fait exagérer quelques petites fautes. Est-ce cela qui te tourmente ? Nous sommes à deux pas des Carmélites ; veux-tu que j’envoie chercher au cloître le Père Thadée ? Un brave homme.

— Pas de Père Thadée.

— Un autre ?…

— C’est à toi qu’il faut que je confesse la faute qui me pèse sur la poitrine comme une meule de moulin. Écoute-moi. Cela m’étouffe.

L’agitation intérieure éprouvée par Marine raccourcit sa voix au point que la marquise fut obligée de se lever et de se pencher sur le lit pour entendre.

Les diamants effleuraient le visage de la mourante.

— Écoute, répéta Marine.

— J’écoute.

— Tous ces jours derniers tu m’as envoyée porter tes lettres au couvent de Saint-Maur.

— Oui, au commandeur, qui m’a enfin répondu par une lettre hier au soir, par une lettre que j’ai trouvée, dans ma main après le long évanouissement dont je fus frappée au moment du départ de mes enfants.