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le dragon rouge.

— Parlez, monsieur, et dispensez-moi des regrets.

— Une triste aventure, qui s’est passée ces jours derniers à la Comédie-Italienne, a fourni aux propos de la cour un sujet de scandale.

— De scandale !

— Vous avez tout voulu savoir, madame la marquise.

— Oui, monsieur, tout, jusqu’au mensonge, jusqu’à la calomnie. Poursuivez !

— On a cité votre nom à côté de celui d’un certain jeune homme, d’un dragon, d’une façon de duelliste…

— Assez, monsieur, interrompit la marquise. On me chasse de la cour. Je me retire. Ah ! l’on me chasse ! Elle envoya au visage du maître des cérémonies un de ces inqualifiables sourires qui s’échappent des lèvres et du regard de ceux qui ne doivent plus jamais sourire. Elle sortit.

La marquise se fit ramener chez elle : elle étouffait de colère, de douleur ; elle arrachait un à un tous les diamants de sa toilette pour donner un passage à cette mortelle colère qui bouillonnait dans ses veines, qui tordait ses lèvres, agitait ses mains, flamboyait dans ses regards.

Enfin elle arriva chez elle, en répétant, sans pouvoir contenir cette exclamation : — Chassée de la cour, chassée de la cour ! Moi ! chassée !

— Que voulez-vous ? demanda-t-elle au domestique qui la suivait de salon en salon. Pourquoi me suivez-vous ainsi ?

— C’est que…

— Qu’y a-t-il ?

— Marine est malade.

— Je le sais.

— Très-malade.

— Que veut-on que j’y fasse ? Qu’y puis-je ?

— Elle va mourir.

— Mourir !

La marquise s’arrêta.