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le dragon rouge.

voyage, à rivaliser auprès d’elle de soins et de tendresse. L’aîné, qui ne prit que plus tard, à la mort de leur père, le titre de marquis, emporta avec lui, en Pologne, tout le faux esprit et la fade galanterie des premières années de la Régence, et, au lieu de le rendre ridicule, ce travers le fit bien venir dans ce pays de dissipations, de fêtes et d’orgies aristocratiques, pays en tout temps copiste fidèle, par on ne sait quel mystère de l’organisation nationale, des travers et des méchants usages de la France. On l’accepta comme un modèle à suivre, on le mit sur un socle en biscuit, et le modèle fit de son mieux pour mériter cette apothéose. Il fut l’âme de toutes les fêtes qui se donnaient à Varsovie, qu’il inonda d’une autre Vistule de parfums à la reine, de madrigaux et de sonnets.

Son frère, moins âgé que lui de trois ans, appelé le commandeur dans sa famille, n’envia pas ce genre de gloire ; il resta ce qu’il était, c’est-à-dire un militaire studieux, s’occupant de sa profession avec l’austérité du devoir. Ses efforts secondèrent extraordinairement, dans sa mission, M. de Canilly, qui, de son côté, la négligea beaucoup pour sonder, ce qui n’était pas sa mission, les prétentions de l’Autriche et de la Russie sur la Pologne, regardée déjà d’un œil de convoitise par les aigles aux becs crochus de ces deux puissances. La Pologne dut, en quelques mois, au jeune commandeur, la fortification de plusieurs places importantes et la création de deux régiments d’infanterie d’après le système français.