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le dragon rouge.

prêtres, leurs éternels persécuteurs. Du reste, il se félicitait de fermer son règne de ministre par une faveur qu’une heure plus tard il n’aurait pas pu accorder.

Cette disgrâce était une immense perte pour la marquise de Courtenay, mais elle ne devait en sentir tout le poids qu’après avoir épuisé la joie qu’elle éprouvait de pouvoir envoyer et cacher en Espagne son fils Tristan et sa fille Léonore.

Une heure après, et la nuit étant venue, une chaise de poste fut attelée sans bruit sous la voûte de l’hôtel.

La marquise fit ensuite venir dans ses appartements ses deux enfants, et elle leur dit en faisant voir toute son émotion :

— Vous allez partir.

— Avec vous, sans doute, ma mère ? s’écria Tristan.

— Seuls. La voiture vous attend.

— Et pour aller où ? demanda Léonore.

— Votre voyage est un secret ; un homme qui a toute ma confiance va vous conduire en Espagne. Je voulais d’abord vous taire la ville où il est chargé de vous conduire, mais je n’ai pas le courage de vous la laisser ignorer ; votre fuite, déjà si cruelle, ressemblerait trop à un exil, chers enfants. On vous mène à Madrid. Voilà où vous allez.

Léonore se jeta aussitôt en pleurant dans les bras de sa mère.

Pendant quelques minutes la marquise confondit ses larmes avec celles de Léonore.

— Est-ce que nous ne nous reverrons plus, ma mère ? murmura la fille de la marquise. Est-ce pour toujours ?

— Pour toujours ! Est-ce que cela serait possible ? Ne suis-je donc plus votre mère ?

— Tristan, reprit-elle, je mets votre sœur Léonore sous votre protection.

— Ma sœur court-elle quelque danger ? faut-il la défendre ? Ah ! parlez ! parlez !

— Votre sœur, continua la marquise en essuyant ses larmes, ne court aucun danger réel ; mais vous allez tous les deux dans