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le dragon rouge.

les condamnés à mort dans leur cellule. Elle rêva les yeux ouverts, veilla les yeux profondément fermés, se crut morte depuis longtemps ; mais la réalité était là et le soleil avait marché. À sept heures, une de ses femmes de chambre vint lui dire que toute la maison, rassemblée dans les pièces basses, l’attendait pour se rendre à la chapelle. L’aumônier avait déjà commencé les prières. « Je descends, répondit la marquise, qui ne s’était pas déshabillée ; je descends. » Elle se souvint de son père, si ferme et si grand à l’heure de son supplice, et elle eut la force de se lever et de marcher.

Une lettre était sur sa table, où la femme de chambre l’avait déposée en entrant ; la marquise la prit, l’ouvrit. Comme elle tremblait ! Cette lettre portait sur la suscription la marque distinctive affectée aux lettres qu’on appelait alors de la petite banlieue.

— Ma mère, oh ! ma mère ! s’écria la marquise, dont les genoux fléchirent, c’est son nom ! le voilà ! tout ce que je lui avais demandé : son nom ! Maintenant, que Dieu lui-même descende et qu’il ose me dire que le commandeur n’existe pas ! Son nom est là, écrit de sa main ; il vit, il a signé !


xxx

— Madame ne descend pas ? revint dire la femme de chambre, qui attendait sur le pallier.

— Mais oui ! me voilà, répondit la marquise ; je vous suis, je donne un dernier coup d’œil à ma toilette. Comme je suis défaite ! Laissez-moi placer une mouche à la tempe ; cela cor-