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le dragon rouge.

je ne crains rien, moi, absolument rien. Quand nous avons vu venir la maréchaussée, nous sommes tous montés en voiture, excepté mon frère le commandeur.

— Et vous l’avez laissé ! Pourquoi ne l’avoir pas attendu ?

— C’est que mon frère n’a pas pu nous suivre ; il était blessé, très-grièvement blessé… Je suis bien fatigué, madame la marquise.

— Blessé ! s’écria celle-ci en prenant le bras de son mari, qu’elle appuya sur le sien comme avec l’intention officieuse de l’accompagner jusqu’à son appartement. Blessé grièvement ! vous ne m’avez donc pas tout dit ?

— J’allais vous l’apprendre !… je croyais même vous l’avoir dit… Mais où me conduisez-vous ?

— Chez vous, dans vos appartements.

— Mais c’est le salon.

— Excusez-moi ; mais cette journée, cette journée m’a tellement troublée… Pourtant, si votre frère était blessé, reprit la marquise, il aura été pris, arrêté. Il est cruel, il est inconcevable, il est lâche de l’avoir laissé ainsi !

Le marquis se tut encore.

— Oh ! il ne me dit pas la vérité ; il ne me la dit pas ! pensa amèrement la marquise. Est-il blessé ? est-il pris ? est-il mort ? Qu’y a-t-il de vrai dans tout cela ? qu’y a-t-il de faux ? Mais je vous demande, dit-elle d’un ton suppliant au marquis, au milieu de l’escalier qui conduisait à son appartement, comment votre frère aura-t-il pu échapper à la maréchaussée puisqu’il était blessé ?

— C’est que nous l’avons vu, répondit enfin le pauvre marquis, se diriger vers le couvent de Saint-Maur, et il y sera arrivé, à travers le taillis, bien avant que les soldats n’aient occupé le terrain où le combat venait d’avoir lieu.

— Mais vous me disiez tantôt que vous ne saviez de quel côté le commandeur avait pris la fuite ?

— Je vous ai dit cela ?… Mon Dieu ! mes idées sont si confuses…