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le dragon rouge.

côte, elle l’avait suivie et s’était ensuite échappée sans pénétrer dans les chairs.

Mieux dirigée, la balle du marquis avait suivi la direction du cœur de Raoul, où celui-ci avait sa main gauche posée au moment du coup. En sorte que, par un de ces hasards, du reste assez fréquents, la balle du marquis avait rencontré le diamant que Raoul portait à sa bague. La balle s’était amortie contre cet obstacle. Mais la commotion avait écrasé le diamant dans le chaton, et enfoncé dans la chair du doigt, jusqu’à l’os fortement ébranlé, l’épais anneau d’or.

La bague fut retirée, et la main enveloppée dans un mouchoir pour étancher le sang.

— Un peu de repos vous est-il nécessaire ? demanda le commandeur à Raoul de Marescreux.

— Non, monsieur, répondit Raoul, je suis à vos ordres.

Le commandeur avait déjà serré la main à son frère, en ne lui disant que ces mots : C’est bien ! Il ajouta tout bas : Maintenez-vous ainsi jusqu’à la fin, car ce sera peut-être à recommencer.

Chargés de nouveau, les pistolets furent remis, l’un à Raoul, l’autre au commandeur.

Les deux adversaires allaient se séparer pour se placer à la distance d’où ils devaient marcher l’un sur l’autre, lorsque le commandeur dit à Raoul : — Monsieur, j’ai deux mots à vous confier.

Tous les témoins s’éloignèrent de quelques pas.

— L’un de nous, dit le commandeur, aura assurément paru devant Dieu avant que ce soleil qui se couche soit descendu sous l’horizon. Peut-être y aurons-nous paru tous les deux. Cette minute est grave. Vous êtes soldat ; je l’ai été, continua le commandeur. Parlons-nous sans détour. Il m’est venu un doute depuis que nous sommes sur ce terrain : il n’est pas possible que vous ayez agi sans motif en outrageant, comme vous l’avez fait, la marquise de Courtenay. La connaissiez-vous ? Aviez-vous à vous plaindre d’elle ? Je vous adresserai une de-