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le dragon rouge.

Le petit épi de bruyère attaché à son berret resta immobile.

L’huissier du théâtre vint peu de temps après annoncer à ces messieurs que la grande pièce allait commencer ; car c’était pendant l’entr’acte de la petite pièce à la grande, nous avons omis de le dire, qu’avait eu lieu l’arrivée du jeune officier au foyer de la Comédie-Italienne.

Tous les jeunes gens qui le remplissaient se disposaient à le quitter pour entrer dans la salle, et ils gagnaient déjà la porte de sortie en lorgnant d’un air ricaneur celui dont ils avaient soumis la patience à une première épreuve, lorsque celui-ci se plaça sur leur passage, le berret à la main.

— Messieurs, leur dit-il avec beaucoup de politesse et de courtoisie, je me nomme Raoul de Marescreux ; je suis sous-lieutenant dans la milice provinciale du Béarn ; mon arme est la cavalerie. Je suis donc Français comme vous, ce que vous auriez su d’abord, si vous aviez pris la peine de m’interroger tout simplement en français.

Il remit ensuite son berret et gagna la salle de spectacle, laissant derrière lui les jeunes moqueurs dans un demi-embarras assez facile à comprendre.

— Ah ! c’est lui qui nous a joués, s’écrièrent-ils tous à la porte du foyer. Il s’est amusé de nos railleries, ce charmant Béarnais, qui vient sans doute aussi à Paris pour demander du service et de l’avancement.

— Messieurs, dit l’un d’eux, celui qui résumait en sa personne, fort brave du reste, toute l’impertinence de la compagnie ; messieurs, pendant l’entr’acte il faudra le tâter.

— Il faudra le tâter ! répétèrent ses camarades avec une unanimité qui dénotait assez que le dragon béarnais ne leur paraissait pas tout à fait aussi simple qu’il était rose, quoiqu’il eût été d’une indulgence fort équivoque pour les coups d’épingle dont ils l’avaient lardé à loisir. Avait-il, n’avait-il pas du courage ? mais, comme l’avaient dit les jeunes gens du foyer : il faudra le tâter.