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le dragon rouge.

en occupait le centre. Après plusieurs fausses marches, ils arrivèrent cependant à la ferme isolée, prise par eux, à distance, pour un village. Tout y était en mouvement. Des villageois soupaient sous une treille et chantaient au son d’un violon et d’une cornemuse. Ils fêtaient une noce ; les nouveaux mariés occupaient la place d’honneur sous un dais de satin rose, soutenu par les jets vigoureux de l’antique vigne, autre dais de verdure qui couvrait toute l’assemblé. La mariée, brune et naïve comme l’églogue latine, était assurément la fille du maître de la ferme, le seigneur rustique de tous les vassaux assis à sa table.

La présence des étrangers les étonna à cette heure. L’archet resta suspendu à la main de l’Apollon champêtre, et le vent de la cornemuse détendue se prolongea longtemps comme un soupir.

En quelques mots le commandeur apprit au père de la mariée l’accident qui les amenait, lui et sa femme, titre, on s’en souvient, qu’avait voulu prendre Casimire. Pendant qu’il parlait, les curieuses villanelles avaient entouré Casimire, et lui offraient, dans des feuilles de figuier à larges côtes, les fruits du dessert, et, sur une soucoupe de faïence, le muscatello. Des valets de ferme reçurent aussitôt l’ordre d’aller dégager la voiture des voyageurs, et ceux-ci furent priés de prendre part aux plaisirs de la noce. Ils ne pouvaient guère espérer d’ailleurs quitter la ferme avant lendemain matin, la poste aux chevaux étant bien loin de la forêt. Ils se résignèrent joyeusement.

Le commandeur passa du côté de la table où étaient les hommes, Casimire du côté où étaient assises les jeunes villageoises, et le repas ne fut plus troublé sous ce dôme d’étoiles aperçu à travers un réseau de ceps de vigne.

Assise à cette table dressée au milieu d’un bois, comme dans les contes de fées, mêlée à cette joie plus mouvante que les feuilles du peuplier, à cette société heureuse et gaie sans