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le dragon rouge.

lui préparer sa cage. Il se perchait sur les tables, sifflait comme un merle, folie qu’il fallait pourtant cacher avec pudeur aux domestiques pour qu’ils ne la fissent pas connaître au dehors. Une autre fois, il cessait d’être oiseau, il devenait plante. Alors il allait se mettre au soleil, pour mieux fleurir, disait-il. Il grondait parce qu’on ne l’arrosait pas ou parce qu’on ne le rentrait pas le soir. Il était tulipe, jasmin. « Cueillez-moi, disait-il ; il est temps de me placer sur la cheminée ; » ou bien : « Je veux aller m’offrir comme bouquet à madame la comtesse de… qui aime passionnément les belles fleurs. J’irai au bal avec elle ce soir ; je ferai bien enrager son tigre florentin, son mari. » La semaine suivante c’était une autre manie.

C’était avec une piété filiale que le commandeur veillait sur l’état de son frère, auquel il n’y avait aucun remède réel à apporter. Le bonheur l’avait rendu fou, et il était heureux dans sa folie.

Ce fantôme était cependant une barrière élevée entre Casimire et le commandeur. C’était la seule. Ils s’efforçaient de la rendre même plus redoutable et plus sacrée à mesure que ce fantôme se réduisait de plus en plus, pour eux, à la mincité d’une ombre. La liberté qu’il leur laissait de se voir, liberté aussi absolue que s’il n’eut pas existé, les épouvantait, car elle les exposait davantage. Le devoir, aux prises avec de plus dures exigences, les exaltait ; le soin de s’éviter, aux heures dangereuses du soir, quand la lune allume de ses lueurs mélancoliques la campagne et répand ses appels mystérieux sous le ciel, ce soin leur devenait au contraire un prétexte pour se rencontrer. Ils se mouraient d’amour depuis qu’ils ne se parlaient plus d’amour. Ils s’attiraient malgré eux ; les allées semblaient se courber et se rapprocher pour qu’ils se retrouvassent au même point dans les bois de pins, le matin, lorsque la campagne se lève et jette loin d’elle ses voiles de rosée. Ils avaient cueilli, par hasard, la même fleur, eu la même pensée en entendant une cloche dans le lointain ; la même