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le dragon rouge.

à la fois, nous devinons aisément pourquoi vous nous avez appelées chez vous. Moi, je dois trente mille livres à votre honorable oncle ; moi, vingt mille livres ; moi, autant ; moi, le double, mais…

— Mais je vous tiens quittes du tout, interrompit le marquis en rendant à chacune d’elles les titres de créance, et ne redoutez pas les conditions du reçu.

Elles se mirent à rire comme des folles.

— Je ne veux pas savoir par quels moyens vous aviez gagné la confiance de mon oncle, mais si vous voulez que son neveu devienne, non pas votre créancier, mais votre débiteur, cela dépend de vous.

Un silence universel exprima un consentement unanime.

— Il y a aimable société dans ce salon, ajouta le marquis ; votre place est donc marquée. Allez-y, je m’y rendrai, mesdames, dès que j’aurai reçu d’autres personnes qui attendent leur tour.

Les quatre dames se prêtèrent avec complaisance à cette invitation.

On voit par ce qui vient de se passer que le marquis, répandu, comme il a été dit, dans le monde fort beau et fort mêlé appelé le grand monde, possédait autant qu’un confesseur, qu’un employé de police et qu’un généalogiste, le passé et le présent des personnes qu’il avait rassemblées dans son hôtel le même jour et à la même heure. C’est à dessein qu’il avait convoqué celles qui, par leurs intrigues, leurs passions, leur conduite irrégulière, leurs folies, leurs malheurs, classe toujours nombreuse en France, entraient parfaitement dans les conditions du projet qu’il avait conçu. Il ne craignit de leur part aucune répugnance, pas d’hésitation, point de refus. Tous gens de qualités ou à peu près, les complices de son plan étaient, par leur position ou leur âge, entièrement libres de leurs actions.

De peur d’être fastidieux nous supprimons les fragments de