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le dragon rouge.

À ce nom le valet n’osa protester de sa consigne, quoiqu’il ne lui eût pas été dit d’établir des exceptions ; il salua et courut prendre ses instructions auprès du marquis.

Un temps assez long s’écoula avant qu’il ne revînt. Enfin il reparut pour donner raison aux prévisions du commandeur. Le marquis consentait à recevoir mademoiselle de Canilly. Il était naturel qu’elle n’entrât pas seule. Cependant le valet, rigoureux interprète des ordres donnés, prétendait ne laisser introduire dans les appartements que mademoiselle de Canilly ; il n’avait annoncé qu’elle.

— Vous oubliez que j’accompagne mademoiselle, dit le commandeur, et que M. le marquis de Courtenay a trop d’esprit pour supposer que mademoiselle de Canilly soit venue seule lui faire visite.

Le valet n’osa plus rien refuser.

Quelle fut la surprise de Casimire et du commandeur de se trouver tout à coup arrêtés au fond du vestibule par un immense rideau noir, bordé d’un large galon d’argent comme un décor de catafalque.

— Que signifie ceci ? demanda le commandeur au valet qui les précédait et soulevait déjà le rideau noir pour leur faciliter le passage.

— C’est par l’ordre de M. le marquis, répondit le valet.

Après une telle réponse, il n’y avait plus de question à adresser.

Après avoir franchi le vestibule, Casimire et le commandeur se trouvèrent en face d’un escalier dont les marches, les côtés et la rampe étaient tapissés d’une étoffe noire, semée de larmes d’argent. Quoiqu’il fît grand jour au dehors, cet escalier s’éclairait de lampes dont les becs projetaient une lueur lugubre.

— Je ne devine pas pourquoi on a déployé ici cet appareil sinistre, murmurait le commandeur. Sommes-nous bien chez mon frère ? demanda-t-il à Casimire.