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le dragon rouge.

saurait-elle la dernière scène de ce drame si cruellement analysé par le principal personnage lui-même ? À ce moment, Casimire, porta les yeux sur la lettre qui accompagnait celle de son père ; elle la décachette, la lit aussitôt. Ce mouvement nerveux ne la trompa pas. Cette lettre était probablement écrite par une personne liée de complicité avec le comte de Canilly, présente aux débats du procès criminel, et témoin des circonstances qui suivirent la sentence portée par le parlement de Toulouse. Elle n’était pas signée, et l’écriture en paraissait déguisée. Elle disait :

« Mademoiselle,

« Accusé d’avoir cherché à renverser le régent pour mettre à sa place le roi d’Espagne, Philippe V, M. le comte de Canilly, votre père, vient d’être condamné, après avoir subi trois fois la question, à avoir la tête tranchée sur la place du marché, à Toulouse. »

— Mon Dieu ! s’écria Casimire, qui eut encore ce cri après tant de cris. Elle n’eut pas la force d’en dire davantage. Elle tomba par terre. La chute fut si prompte, si violente, qu’elle empêcha Casimire de s’évanouir.

La réaction fut immédiate. Elle se releva tout étourdie, ne sachant plus si elle était vivante, si elle était morte, et, pour augmenter son trouble, entendant frapper à la porte de sa chambre.

— C’est moi ! c’est moi ! disait en effet la voix de Marine ; ouvre donc, petite ! Voilà cinq minutes que je cogne.

— Je vais ouvrir, attends… Reviens !… Pas dans ce moment !

— J’ai quelque chose de bon à t’apprendre. Ouvre vite, vite !

Au lieu de répondre à Marine, Casimire, les yeux hagards, sourde à tout bruit, se hâta de continuer la lecture de la fatale lettre anonyme qu’elle tenait à la main.

Collée contre le mur afin de se soutenir, la poitrine haletante, elle lut ces mots :