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le dragon rouge.

morts depuis ma première torture. J’ai voulu vivre ; je vis.

« Libre de votre main par la mort du fils aîné de M. de Marescreux, faites choix du mari qui conviendra le mieux à votre naissance et à votre fortune.

« Mariée, ne vous laissez pas dominer par votre mari ; car, si vous vous conduisez d’après les leçons dont j’ai extrait pour vous la lumineuse sagesse, il vous appartient d’être la gardienne de l’honneur de la maison, son guide dans les affaires, son chef réel, sa reine.

« Aimez votre mari si vous le pouvez, respectez-le pour le monde, mais ne le laissez jamais lire dans votre pensée ou dans votre cœur.

« Que votre fils aîné, si le hasard vous en envoie un, soit toujours secrètement dans vos intérêts contre votre mari ; par là, s’il arrivait que celui-ci voulût agir en maître, en roi, enfin, vous auriez élevé dans votre fils une aristocratie salutaire contre lui.

« N’ayez pas beaucoup d’enfants.

« Dans toute famille où il y a beaucoup d’enfants, il s’en trouve presque toujours un pour la déshonorer.

« On entre encore dans mon cachot ; on se dispose à m’emmener devant les juges qui vont enfin rendre leur arrêt. Je n’ai plus qu’une vérité à vous dire : Dieu, c’est le succès en toutes choses ; qu’un ordre à vous donner : vengez-moi de mes ennemis, et jamais de pardon ! Adieu, mademoiselle ; rappelez-vous moins que vous êtes ma fille que mademoiselle de Canilly.

« Comte de Canilly. »

Sur quel horrible incident s’arrêtait Casimire, après avoir payé si cher le triste privilège de savoir en détail ce qu’était devenu son père ! La lettre de M. de Canilly finissait là, à quelques pas du siège de ses juges. Le reste, c’était l’infini pour l’imagination de sa fille. Qui lui dirait le reste, comment