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le dragon rouge.

jamais. Si vous avez deux fils, faites-en un militaire, l’aîné, si c’est possible ; que l’autre soit un homme d’État, pour qu’ils continuent tous deux, par l’épée et par la plume, les prétentions de leur famille. Dans une famille où il n’y a ni une plume ni une épée, il n’y a rien. Si, cependant, l’un des deux frères s’annonçait avec un extraordinaire esprit d’intrigue, faites-le prêtre.


« Répétez-leur, chaque matin à leur lever et chaque soir à leur coucher, qu’ils sont nés pour accomplir de grandes choses.


« Apprenez-leur à ne jamais compter que sur eux seuls.


« Qu’ils n’aient qu’une idée, qu’un but, mais qu’ils le poursuivent nuit et jour sans relâche.


« Pour parvenir à ce but, qu’ils sachent sacrifier jusqu’à leur vie, s’il le faut.


« Apprenez-leur à souffrir, il vous restera peu de chose à leur apprendre.


« Élargissez leur esprit, amincissez leur cœur.


« Les forces me manquent pour me rendre de nouveau dans la chambre de la question ; deux hommes viennent me prendre, chacun sous un bras, et m’emmènent. Ces pauvres diables pleurent à chaudes larmes : ce sont deux novices, je présume. »

Cette fermeté si belle, si soutenue, si rare, de M. de Canilly, finit par prendre des proportions tellement héroïques dans l’esprit de sa fille, que Casimire fut partagée entre l’admiration et la pitié. Elle en vint parfois à oublier pendant cette lecture,