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le dragon rouge.

mais ce qui se passe en eux. Grand exemple placé sous vos yeux.


Ne vous vengez jamais à demi : c’est casser le poignard avant de s’en servir.


« On vient me chercher pour m’appliquer la question. Allons ! je reprendrai si j’en ai la force. »

— Voyons vite, mon Dieu ! s’écria Casimire.

« Entre la dernière ligne que je vous ai écrite, mademoiselle de Canilly, et celle-ci, qui marque mon retour dans ma prison, il s’est écoulé six heures, une heure prise tout entière par les valets du bourreau, les cinq autres heures à me remettre de leur ouvrage sur mon pauvre corps. Après m’avoir couché sur une espèce de lit en fer, ils m’ont lié les bras contre le dos avec des cordes très-fines, dures et pénétrantes comme de l’acier, les pieds sur eux-mêmes, et les cuisses aux baguettes de fer du lit. Dans cette position, qui me permettait d’être comme assis, j’avais le buste aussi libre qu’on peut l’avoir quand les jambes sont enchaînées. Vous allez voir dans quel but je jouissais de cette demi-liberté. Tandis que le médecin a posé son pouce sur l’artère de mon bras droit, un des servants du bourreau m’a présenté à deux mains une mesure en plomb pleine d’eau froide. Encore une fois, ne voulez-vous rien révéler ? m’a demandé un des trois juges commis pour assister à la question. »

— Il faut tout avouer, mon père, murmura Casimire.

« Sur ma réponse négative, la mesure en plomb a été inclinée sur ma bouche ; j’ai bu, j’ai bu encore, puis j’ai encore bu. Dès la seconde pinte j’étouffais ; l’eau remontait dans ma gorge. »

— Donnez, mon père, que je boive pour vous ! s’écria Casimire machinalement.

« Et pourtant le médecin ne trouvait pas dans les batte-