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le dragon rouge.

« Relevez la tête, mademoiselle de Canilly ; depuis longtemps la torture est ennoblie en France ; je ne suis pas le premier gentilhomme qu’elle aura brisé. Passons sur ces misères. Dans un quart d’heure donc on m’appliquera la question, et, dans cette attente, je vous écris. »

Comme Casimire souffrait à cette lecture qu’elle ne pouvait toujours suspendre !

« Si cette fermeté, continua-t-elle à lire, m’abandonnait, vaincu par la douleur, flétrissez-moi hautement dans votre mémoire et dans celle de vos enfants, si vous en avez un jour. Je vous recommande, pendant le peu de minutes qui me restent encore, avant de passer dans la chambre de la question, de relire avec soin, avec le plus profond recueillement, les maximes écrites de ma main pour votre instruction ; transcrivez-les dans votre cœur, gravez-les dans votre mémoire. Notre morale n’est pas celle des autres hommes. Nous nous guidons par d’autres lumières. Ils vivent quelque temps, leurs noms meurent ; les nôtres ne meurent jamais, glorieux ou infâmes. Le nôtre est des plus grands. À ces maximes conservatrices ajoutez celles-ci encore :


Ne dites votre secret à personne, pas même à Dieu.


Personne n’a jamais pardonné ; Dieu lui-même a été le plus implacable ennemi de ceux qui l’offensèrent, quand il prit la forme humaine sur la terre.


On ne pardonne pas, on se résigne ; voilà ce qu’on appelle pardonner.


Quand on voudra se défaire de vous, c’est votre meilleur domestique qu’on choisira pour vous empoisonner. N’ayez confiance que dans les indifférents ; ils ne sont pas encore vos amis.


Les animaux ne rient ni ne pleurent ; aussi ne sait-on ja-