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le dragon rouge.

« Je sors de mon premier interrogatoire. Mes prévisions ne me trompaient pas : la conspiration ourdie contre le régent est connue. Je ne sais pas encore le complice qui l’a révélée. Pour ma part, j’ai cru digne de ne rien nier. J’ai dit les motifs de haine auxquels j’ai cédé en me mettant à la tête de cette conjuration, formée pour le bien de la France, pour soutenir l’honneur de nos maisons et défendre la volonté suprême de Louis XIV.

« Les juges m’ont ensuite engagé à m’expliquer sur les moyens dont nous nous promettions de faire usage pour arriver à nos fins ; j’ai refusé de répondre. J’ai gardé le même silence quand ils m’ont ordonné de nommer les personnes liées avec moi dans le but de détrôner le régent. J’ai déjoué leurs subtilités, j’ai souri à leurs menaces, préparé comme je l’étais à en subir les effets. Mais quels juges on donne aux gentilshommes, qui ne devraient passer devant d’autre tribunal que celui des Pairs du royaume ! La noblesse de robe, cette gentilhommerie noire, jalouse et croassante, mènera avant peu le grand deuil de l’aristocratie française. Richelieu l’a armée ; elle nous tue. Ce Richelieu !… On me juge aux flambeaux, dans une chambre ardente, comme si j’étais un empoisonneur.

« Voyant l’inutilité de leurs efforts pour m’obliger à parler, les juges m’ont annoncé que j’allais recevoir la question ordinaire, le premier degré de la torture. »

— La torture ! la torture ! oh ! la torture ! Ils vont briser vos membres, mon père !

Casimire laissa échapper un épouvantable cri. Elle avait entendu Marine qui accourait ; elle étouffa sa douleur, elle se mit dans un coin pour pleurer. Elle cessa sa lecture ; elle n’aurait pu la continuer. Ses larmes répandaient un voile sur sa vue, et le tremblement de ses mains imprimait à la lettre un froissement continu.

Quand la crise fut moins forte, elle reprit et elle lut :