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le dragon rouge.

— Ah ! ce n’est pas là son seul caprice, monsieur le marquis ; elle en a bien d’autres que je vais vous confiera l’oreille.

— Non, ne me les confiez pas, interrompit brusquement le marquis ; gardez votre verve moqueuse et votre indiscrétion pour une occasion plus utile à vos intérêts. Cette occasion est prochaine : Le motif pour lequel je vous ai priée de passer à mon hôtel, et pour lequel je vous prie encore de m’attendre sans trop d’impatience dans ce salon, va vous être dit.

Madame d’Aubry ne comprit pas plus que l’abbé Dumartel ce que signifiaient ces paroles ; elle entra pourtant au salon.

M. de Gaillardbois et M. de Grâce furent annoncés en même temps.

— Vous, dit-il sans préambule à M. de Gaillardbois, vous vous attendez depuis trente ans à être nommé grand-maître des eaux et forêts, parce que vous connaissez mieux que personne la coupe des forêts, les lois et règlements de chasse ; et vous, monsieur de Grâce, malgré vos soixante ans, vous vivez dans la douce illusion de vous voir élire prieur de l’ordre de Malte, parce que vous avez été un des plus braves chevaliers de l’ordre. Vous vous êtes perdu de dettes l’un et l’autre en comptant sur la réalisation de ces deux espérances ambitieuses, impossibles, funestes, et vous avez aujourd’hui à peine de quoi vivre. Quel tort ! vous deux, les plus charmants paresseux que je connaisse ; ah ! c’est vraiment un tort. Je tâcherai de le réparer, si vous le permettez. Mais entrez dans ce salon et m’y attendez un peu, je vous prie.

MM. de Gaillardbois et de Grâce, se regardant avec surprise, allèrent grossir la société de ceux que le marquis avait déjà réunis dans la pièce voisine.

Derrière eux entra madame de Saint-Chamans.

— Vous seriez encore trois fois aimable, quand même vous ne seriez pas veuve pour la troisième fois, lui dit le marquis en lui serrant les mains, familiarité hypocrite, moyen adroit à