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le dragon rouge.

à Notre-Dame de Nanterre ne lui serait jamais venu à la pensée.

— Tu la prieras avec moi, ce soir, n’est-ce pas ?

— Puisque tu le veux, répondit Casimire, je la prierai avec toi pour obtenir une réussite.

C’était encore là une bien étrange déviation au système conseillé, réduit en maximes par le comte de Canilly, la prière d’une nourrice à une gardeuse de troupeaux du village de Nanterre !

Huit jours s’étaient écoulés depuis le demi-aveu de Casimire à sa nourrice, huit de ces jours au bout desquels l’ennui prend le nom de mélancolie ; l’attente, celui du martyre ; l’impatience, celui de désespoir. Ni lettre de son père, ni lettre du commandeur pendant ces huit jours, et autour d’elle la calomnie, encouragée par le silence et l’impunité.

Exaspérée, Casimire, le neuvième jour, fit venir Marine et lui dit :

— Nous partirons demain matin ; ma résolution est prise ; prépare tout pour notre départ.

— Tu ne vois donc pas ce que je tiens à la main ? répondit Marine.

— Une lettre !

— Deux lettres ! deux ! s’il te plaît !

Casimire décacheta précipitamment l’une de ces deux lettres.

— De mon père ! Celle-ci est de mon père ! Laisse-moi, Marine.

— Oui, ma fille ; s’il y a quelque bonne nouvelle, tu me le diras, n’est-ce pas ?

— Je n’attends ni bonne ni mauvaise nouvelle, répliqua Casimire avec sang-froid et redevenue mademoiselle de Canilly, au contact de cette lettre touchée par son père.

Marine se retira.

Casimire lut avec un battement de cœur qui l’étouffait cette lettre si ardemment désirée.