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le dragon rouge.

de toucher tant seulement aux draps de la duchesse, je dis à cette pauvre souffrante : « Criez comme une marchande à la halle, si vous voulez être délivrée. » M. de Fénelon, m’ayant entendue de la pièce voisine, me cria : Bien dit ! nourrice ! Voilà une vrai femme, ajouta-t-il encore avant de reprendre ses prières, car le saint homme priait depuis les premières douleurs de madame la duchesse.

– M’écoutes-tu, ma gélinotte ?

– Oui ! oui ! Mais quelle histoire me fais-tu là ?

– Ne veux-tu pas que je la finisse ?

– Si bien ! puisque tu l’as commencée.

– Enfin, reprit Marine, j’avais l’enfant dans mon tablier. Monseigneur ! dis-je au duc tout blême et tout tremblant, si c’était un autre enfant, je mettrais du vin dans sa bouche.

Le duc hésitait à répondre.

« Fais, ma bonne nourrice, » s’écria M. de Fénelon. Aussitôt je remplis ma bouche de vin que je lui soufflai. L’enfant se pourlécha comme un petit chat.

Le duc était triste, parce qu’il ne savait pas quel était l’enfant que sa femme lui donnait.

Je fais à droite et à gauche mes signes convenus, et voilà que tout le monde vient saluer le duc de Bourgogne, qui était père d’un beau garçon. Chacun croyait lui annoncer seul cette nouvelle. Le duc ne fut pas moins content, et il n’en récompensa pas moins chacun largement pour son zèle.

Ce petit enfant fut Louis xv, que nous aurons un jour pour roi.

– Et la duchesse de Bourgogne ? demanda Casimire.

– La duchesse de Bourgogne, ma belle Casimire, la duchesse, les yeux en pleurs, les bras levés, ne sachant pas encore si elle avait un garçon ou une fille s’écria : « Quel que soit l’enfant que vous m’avez donné, mon Dieu, je vous remercie ! » Ainsi, ma bonne et chère petite, il faut faire ce qu’on