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le dragon rouge.

rentrait dans la catégorie de ceux dont son père lui avait vanté l’excellence, l’infaillibilité. Oh ! si Casimire avait deviné la portée de l’arme qu’elle allait manier si témérairement, et dans quel cœur irait pénétrer la balle empoisonnée qu’elle roulait avec tant de légèreté entre ses doigts !

— Vous n’exigez pas de moi, monsieur le marquis, reprit-elle enfin en souriant, que je réponde autrement que par le silence à tout ce qu’il vous plaira de me dire après ce que je vous ai déjà dit.

— Oh ! je vous comprends et je vous remercie, s’écria le marquis de Courtenay. Il n’y a plus, entre nous, comme arbitre de nos destinées, que M. le comte de Canilly, et je m’en flatte, continua le marquis dont la voix s’éclaircit comme celle de l’oiseau au retour du beau temps, il ne me sera pas trop défavorable. Il connaît ma famille, ma noblesse ; il sait tout ce que mes revenus m’assurent de crédit dans le monde et à la cour ; je puis donc espérer. Malheureusement, de la gamme de la joie le marquis passa vite à celle de la fatuité ; il fallait s’y attendre. Je parlerai avec franchise, reprit-il ; je m’attendais au bonheur de ne pas me voir entièrement repoussé par vous.

Si le marquis avait pu soulever le masque que Casimire venait de mettre sur son visage depuis sa résolution de feindre, comme il eût vite retiré ces dernières paroles !

— Sans ingratitude pouviez-vous oublier, reprit-il, tout ce que je viens de faire pour mériter votre attention ?

— Et quoi ? demanda Casimire.

— Cette fête…

— En vérité elle était d’un goût…

— Elle était pour vous, uniquement pour vous.

— Pour moi ?

— Sans doute.

— Vous auriez dû, alors, m’en avertir.

— Et pourquoi ?