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le dragon rouge.

blique d’avoir su en plein théâtre, la part qui me revient dans la victoire remportée par les troupes de sa majesté impériale sur l’armée turque. Si je n’étais pas allée au théâtre ce soir-là, ce soir même (car c’est au sortir du spectacle où votre nom a été proclamé que j’ai le plaisir de vous écrire), je ne saurais pas, je n’aurais jamais su peut-être de quelle manière honorable vous vous êtes conduit au siège de Belgrade. Votre réserve à mon égard, avec des apparences modestes, j’en conviens, m’a étonnée, elle m’a blessée, et ces larmes qui tombent sur mon écriture… »

Des larmes ! s’écria Casimire en froissant le papier sur lequel elle écrivait ; des larmes ! quand j’ai à me plaindre !

Elle déchira le papier déjà froissé et le jeta dans la cheminée.

D’une main non moins convulsive, elle recommença ainsi :

« Monsieur le commandeur,

« Comme vous n’aimez pas beaucoup, je m’en suis convaincue, à écrire de longues lettres, je vais vous conseiller un moyen pour abréger encore votre tâche épistolaire. Dispensez-vous totalement de m’écrire, puisque sans vous je puis apprendre, dans une salle de spectacle, par l’organe d’un officier de la couronne, les exploits dont vous vous illustrez à l’armée. Cette publicité, glorieuse pour vous et pour vos amis, ne vous laisse plus rien à faire et vous offre un moyen sûr de vous délivrer de l’ennui de raconter vous-même vos prouesses. »

De l’ironie maintenant ! dit Casimire en s’interrompant une seconde fois ; de l’ironie ! il me croira blessée. Pas plus d’ironie que de larmes ! La seconde lettre fut déchirée. Une troisième feuille se couvrait déjà de ces mots sous la plume de mademoiselle de Canilly :

« Monsieur le commandeur,

« Je vous remercie d’avoir été si exact à m’écrire, dès l’ins-