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le dragon rouge.

aristocratie, qui comptait les jours par les fêtes, s’était rendue en foule ce jour là au théâtre pour assister à la représentation d’une pièce nouvelle. Casimire et le marquis de Courtenay occupaient une loge au fond de la salle, et, à vrai dire, ils étaient les héros de la soirée ; car, pour rendre hommage à la nation française et reconnaître une partie des politesses du marquis, les seigneurs polonais avaient, ce soir-là, demandé un spectacle tout français. De toutes les distances de la salle, on leur envoyait en arrivant des saluts gracieux.

La tragédie était jouée, et l’entracte après lequel devait commencer la comédie expirait au bruit des conversations particulières. Le rideau se leva enfin ; mais, au lieu d’un acteur, ce fut un officier de la couronne qui, vêtu de son grand uniforme, un papier à la main, parut, salua le noble public, et sollicita par son attitude l’attention de l’assemblée. On l’écouta :

Nobles seigneurs, dit-il,

« Belgrade est au pouvoir des chrétiens. »

À ces premiers mots, des cris de bonheur éclatèrent avec une violence volcanique ; on eût dit, en effet, que le Vésuve faisait sauter dans les airs sa première lave.

D’un mouvement unanime, tout le monde s’était levé et chaque front s’était découvert.

L’officier de la couronne recommença sa première phrase :

« Belgrade est au pouvoir des chrétiens. »

Les applaudissements recommencèrent avec la même énergie.

Le lecteur officiel poursuivit cependant :

« C’est après un siège des plus pénibles que cette place-forte, si importante à enlever, a été occupée par les troupes de Sa Majesté impériale. Un incident, rare à la guerre, en a compliqué les difficultés : par une circonstance imprévue, l’armée du prince Eugène s’est trouvée à la fois assiégeante et assiégée, attaquant les Turcs renfermés dans leur forteresse,