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le dragon rouge.

retenir sa raison et y chercher les perles d’une couronne.

« Adieu, lut-elle encore, adieu ! Dans une heure j’aurai quitté Paris ; dans une heure je serai en route vers mon nouveau royaume. Je vais, mademoiselle de Canilly, vous annoncer à votre peuple comme le plus humble de vos sujets.

« Votre père, qui se dit pour la dernière fois,

« Comte de Canilly. »

— Mon Dieu ! s’écria Casimire, dans moins d’un mois il me faudra quitter cette ville où je n’attendrai pas le retour de monsieur le commandeur. Je ne le verrai plus, je ne le verrai plus ! Mon Dieu ! je me sens déjà malheureuse ; serais-je déjà reine ?

— Ma fille, vint dire Marine, voilà trois fois bien comptées que je viens te chercher pour dîner. Nous avons aujourd’hui un gigot braisé, et il faut que cela soit mangé chaud.

— Manger ! murmura dédaigneusement Casimire.

— Mais oui, manger ; est-ce que tu aurais perdu l’appétit en dormant ?

— Dormir ! dit tout bas Casimire, avec la même pitié ironique. Mais descends, je te suis, bonne Marine.

— Je ne dirai pas qu’on me l’a changée en nourrice puisque je l’ai nourrie, murmura de son côté Marine, mais toujours est-il qu’elle m’étonne bien depuis quelques jours.

Le premier mouvement de Casimire, aussitôt après avoir reçu la lettre du commandeur de Courtenay, avait été de transmettre la nouvelle de la prise de Belgrade au gouverneur de Varsovie, pour qu’il la publiât dans toute la ville. Son cœur palpita d’un orgueil bien naturel en pensant qu’on ne manquerait pas de savoir dans le monde qu’elle l’avait connue la première, et qu’on lui devrait le mérite de la première révélation. Elle avait déjà copié rapidement la lettre du commandeur, elle approchait la main du cordon de sonnette pour appeler le domestique chargé de la porter au gouverneur de Varsovie, lorsqu’une