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le dragon rouge.

plus heureux que tout le monde, parce qu’elle lui donne le droit de m’écrire. Ah ! je n’ai pas voulu le comprendre ! Ingrate ! ingrate ! Mais, monsieur de Courtenay, dit-elle, vous ne me parlez pas de vous. Pourquoi ce silence ? Où étiez-vous pendant la bataille ? Qu’avez-vous fait ?

Une ligne était restée cachée dans un pli au bas de la lettre. Casimire, en la déployant dans toute son étendue, lut cette ligne oubliée ; elle leva les yeux au Ciel. Cette ligne ne contenait que ces mots :

« P. S. J’ai fait mon devoir comme les autres. »

Casimire répéta avec une émotion qui s’éleva jusqu’à la tendresse maternelle : — Il a fait son devoir comme les autres !

Quelle sublime modestie ! murmura-t-elle avec onction ; il me dit cela comme une chose indifférente, oubliée dans le cours de sa lettre. Oh ! oui, il a fait son devoir ! Je sais ce qu’un tel mot signifie dans sa bouche. Pourvu, mon Dieu ! qu’il n’ait pas été blessé.

Mais s’il était blessé, répéta-t-elle, il me le dirait. Non, il ne me le dirait pas ! Mais, s’il était blessé, son écriture serait changée, inégale, altérée, et c’est son écriture ordinaire. Ah ! j’aurais été fâchée qu’il s’occupât davantage de moi, puisqu’il me parle si peu de lui. Il est modeste, il est réservé, il m’aime !

La porte de la chambre s’ouvrit, la tête de Marine parut :

— Eh bien ! sommes-nous contente, ma fille ? Le commandeur se porte-t-il bien ?

— Bien, répondit Casimire en ployant tranquillement la lettre et la repoussant dans un tiroir du secrétaire.

— Que te dit-il ?

— Peu de choses. Nous en causerons plus tard.

Casimire n’aurait pas dormi davantage, n’eût-elle pas encore été dérangée quelques heures après par Marine.

— Que tiens-tu là ? lui dit Casimire, qui semblait dormir les yeux ouverts, tant elle rêvait profondément.

— Une lettre encore ; mais quant à celle-là, ma foi ! je ne