Page:Gozlan - La Dame verte, 1872.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore, et dans tous les sens, toutes les cavités d’ombre de la rue Pigalle, ne pouvant me décider à croire que la jeune femme au voile vert était partie sans chercher à connaître son sort, j’allais entrer dans la rue qui traverse cette même rue Pigalle, tenez, là où mon doigt vous indique, quand j’entendis bruire des voix et des rires à quelques pas dans le brouillard dont cette rue était gorgée jusqu’aux toits des maisons. Je m’arrêtai et j’écoutai très-attentivement. Une des voix mêlées à ce rire me parut celle de la femme au voile vert. Étrange chose que cette gaieté ! À la distance où j’étais je ne pouvais pas saisir d’une façon distincte les paroles échangées entre elles, mais je devinais aux lambeaux qui m’arrivaient qu’il était question des événements de la nuit. Je recueillais ces mots : « Aussi, pourquoi êtes-vous allée vous imaginer ?… Non ! c’est trop naïf !… Attendre… attendre… quoi attendre ?… Encore une fois !… Illusion !… ma chère… Je vous répète… Ah ! l’honnêteté du hasard !… »

Et les rires railleurs de reprendre. Était-ce de mon honnêteté qu’il s’agissait ? L’ironie s’exerçait-elle à mes dépens ?

Eh quoi ! quand je venais de brûler mon sang dans un combat acharné, désespéré, avec le hasard, pour conquérir dix mille francs que je tenais encore tièdes dans la main en billets de banque, elles tourneraient en vol