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malheureuse, la déplorable, la désastreuse perte que j’avais fait éprouver à l’inconnue à qui je courais l’annoncer.

La réponse à cette question ne se fit pas attendre. Je tournai sur-le-champ le dos au point où je me rendais, pour me rendre de nouveau au point que je venais de quitter, me disant, dans cette réaction spontanée d’une résolution sur l’autre : « Si je perds ces cent vingt ou cent cinquante francs qui sont à moi, ma perte se confondra avec celle de la jeune femme au voile vert, et si je viens à gagner… oh ! gagner ! » quelle tendre et rose illusion !… Rassurez-vous, je ne l’avais pas au moindre degré.

Vous admettez bien, mon ami, qu’une fois ce besoin de jouer mon argent dans un but expiatoire étant entré dans mon esprit, je n’avais plus à discuter un quart de seconde avec moi-même. Aussi ne fut-il pas discuté. Du pas ferme du soldat, brave ou non, mais déterminé, qui va au feu, j’allai de nouveau à la roulette.

La soirée touchait à son beau moment ; l’or coulait comme métal fondu sur les tables, entre les doigts, ou se figeait en forme de volcan devant les pontes anxieux et avides.

Quand j’entendis la voix solennelle du banquier dire : « Messieurs, faites votre jeu ! » je posai cent cinquante francs, tout ce que j’avais, sur un seul numéro,