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plus en plus, me trouvant vis-à-vis d’elle dans une de ces positions que vous avez peut-être connues vous aussi, où le cœur, heureux et irrité à la fois, semble vouloir conquérir en un instant tout le temps qu’il a perdu à ne pas connaître telle personne soudainement aimée.

Cependant, me dis-je encore, risquer tout pour avoir le double, est-ce raisonnable ? n’est-il pas plus sage de n’exposer d’abord que la moitié de ces trois mille francs, me contentant de réaliser neuf mille francs s’il arrive que je gagne ?

Ce raisonnement l’emporta… mais à quoi bon tant de prudence ?… À quoi bon vous faire tant languir ? Je perdis une première fois ; je perdis une seconde ; en sorte qu’une minute après mon si beau raisonnement, j’avais complétement perdu en deux coups les trois mille francs gagnés, par conséquent aussi les cinq cents francs, unique et dernière espérance de la dame au voile vert.

Il ne me restait plus qu’à lui transmettre la fatale catastrophe.

Au premier moment, elle m’accabla, elle m’anéantit, absolument comme si j’avais été moi-même, moi seul la cause de ce désastre, auquel je n’avais en réalité contribué en rien, si ce n’est par l’influence de ma mauvaise étoile ; et je reconnus alors qu’on ne pèse jamais