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pas cette jeune dame, je ne connaissais pas davantage le jeu, et en outre je croyais parfaitement connaître la moralité de la plupart des joueurs réunis dans l’endroit. Ma résolution fut bien arrêtée : je m’éclipsai brusquement des salons de jeu de la rue Pigalle et je descendis l’escalier quatre à quatre pour me dégager sans retard d’une situation que je jugeais maintenant illogique, louche, malsaine, trop heureux, comme on dit, d’avoir su tirer mon épingle du jeu.

Dès qu’elle m’eut aperçu, la dame au voile vert, ivre, pour ainsi dire, de connaître le sort que je lui apportais, s’élança vers moi avec un empressement furieux, et dans ce mouvement, qu’elle opéra en passant d’un côté de rue à l’autre, elle me confirma ce que j’avais soupçonné quand je l’avais quittée pour monter aux salles de jeu : c’est qu’elle était avec quelqu’un… l’ombre entrevue par moi auprès d’elle était bien une femme.

— Perdu ? n’est-ce pas, me demanda le voile vert d’une voix rauque, sèche, brûlée, je dirais.

— Non, madame.

— Gagné ?

— Non, madame. Voilà votre argent.

Elle ne fit aucun mouvement pour reprendre les pièces d’or que je lui tendais : ses deux mains venaient de tomber paralysées le long de son corps pareillement frappé de stupeur.