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on s’assied sur des bancs de palissandre artistement, ciselés.

— Les gens du pays, viennent-ils quelquefois y respirer le frais ?

— Rarement. Le matin, ceux qui ont vécu à Bornéo descendent y fumer leur pipe et prendre le thé.

— Ils fument donc sans cracher ?

— Ils ont des crachoirs en filigrane, pleins de sable rose. Vous remarquerez, me dit encore mon guide avant d’entrer dans une maison à la porte de laquelle nous étions arrêtés, que la plupart des habitants se sont plu à transporter ici la vie, les mœurs et le goût des colonies hollandaises dans les Indes. Broek est tout simplement un quartier de Java.

— Moins les esclaves ?

— Ils ont aussi leurs esclaves indiens qui les ont suivis pour leur préparer le thé et leur apprêter le riz au piment. On les baptise, et ils restent jaunes. Il est temps d’entrer. Attendez-moi, je vais vous annoncer comme le neveu de M. Coutt.

— Allez.

Pendant que mon guide ménageait mon introduction, je saisis un autre détail matériel de cette bizarre organisation sociale. Les tuiles ont l’étamage éblouissant d’un miroir, et les entre-croisées, les dessus de portes, sont chargés de peintures à l’huile absolument comme jadis l’intérieur de nos châteaux en France. On dirait nos châteaux qui ont ouvert au vent leurs quatre faces, et sont devenus coulisses.

— Je vous demande pardon, poursuivit mon ami le baron de Ville…, de portera souvent votre imagination sur des objets de comparaison, mais je vous parle d’un pays auquel vous ne comprendriez rien si je n’avais recours à ces images.