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dans sa chambre pour venir ensuite le lendemain matin lui signifier la part qu’il aurait à prendre à la mesure générale. Le commandant savait la mesure que Suzon projetait d’exécuter. Suzon devait prévenir chaque domestique de ne pas exagérer devant les étrangers présents au château les égards et la soumission qu’elle, exigeait d’eux en temps ordinaires. Il ne s’arrêta pas davantage à cet incident ; il sortit du salon. Comme il avait cédé sa chambre à Sara, il se résigna à passer la nuit dans l’une des petites chambres des combles, appelées vulgairement chambres d’amis, attendu que d’ordinaire on n’y loge jamais personne.

Il montait donc brisé, assez soucieux, les marches du vieil escalier du château, quand, en passant devant la chambre de Sara et devant celle de Morieux, il vit, ce que l’usage veut d’ailleurs partout, que Sara avait déposé à la porte ses brodequins et ceux de ses deux élèves, et Morieux ses bottes.

— J’avais oublié, s’écria le commandant…, j’avais oublié, répéta-t-il en voyant ces trois paires de brodequins et cette paire de bottes, que… qu’elles seraient là, et qu’il fallait qu’un domestique vînt demain matin les cirer. Épouvantable contrariété ! murmura-t-il en se frappant la tête avec le poing… Suzon ne se lèvera qu’à onze heures, elle me l’a dit, et elle a enfermé tous les domestiques dans leur chambre. Voilà qui vient à merveille ! Que va dire Sara, que va dire Morieux, que vont-ils tous dire quand ils ne verront pas leurs chaussures cirées ? Ils diront, parbleu ! j’en dirais autant à leur place, que mon château est un bouge, que mes domestiques sont des Mohicans, que mes valets sont des valets d’écurie… Mais il est impossible que cela se passe ainsi. Que faire, pourtant ? Aller maintenant ordonner à Suzon de se lever à sept heures, quand elle compte dormir jusqu’à onze heures, pour lui dire de cirer