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et nos coutumes ? et nos goûts ? Partout générations d’hommes et d’idées, de sentiments et de formes, qui meurent à côté d’autres générations d’idées et d’hommes, qui germent pour s’épanouir au soleil et mourir à leur tour.

Une seule habitude a résisté, et résistera au milieu de ces écroulements successifs de la vie sociale : c’est celle de faire succéder aux nombreuses fatigues, aux mille douleurs, aux déceptions infinies de la journée, le bon repos de la veillée ; de la veillée auprès du feu, l’hiver ; l’été, sous le platane ou l’acacia plantés devant la porte.

On veille dans nos riantes contrées du Midi, où vivre c’est parler, causer, discuter, raconter sans cesse ; on veille dans nos provinces du Nord, où la parole, plus lente, plus recueillie, cache aussi des sentiments plus fermes et plus profonds.

C’est de neuf heures à minuit que la veillée, depuis longtemps commencée déjà, ouvre aux causeurs la lice des beaux récits, des vieilles légendes rouillées, des anecdotes merveilleuses, des contes familiers, et qu’on écoute la lecture des romans : les romans, histoire de la vie. Et pendant ces trois ou quatre, heures, celui qui parle ou qui lit et ceux qui écoutent oublient, dans cette douce intimité, tous les deuils du passé et toutes les