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cuisinière… faut-il que j’aille, moi, bassiner le lit de ces dames ?

Le commandant s’aperçut de son erreur ; cependant il se disait : « Du moins Sara s’endort… je ne l’entends plus… Quelle nuit ! » Il répliqua à l’ironique question de Suzon :

— Est-ce que je le souffrirais ?… Toi, bassiner le lit !

— Il vous a donc fallu, cela me revient, enfoncer, les serrures des armoires pour avoir du linge et de la vaisselle ?

_ On les a un peu forcées… J’en ai été très-fâché pour toi… Je n’aurais pas voulu…

— Oh ! si ce n’est rien qu’un peu, répéta Suzon.

— Demain le serrurier viendra, et il n’y paraîtra plus.

— Très-bien, monsieur.

Ce très-bien n’aurait pas mieux été jeté par madame Dorval. Tout y était, la cuisinière, la servante maîtresse, la maîtresse, et bien d’autres choses.

— Mais tu peux être parfaitement tranquille, tant sur la vaisselle et la porcelaine que sur les cristaux ; rien n’a été endommagé ni brisé.

— Mais tout cela est à vous, monsieur, répliqua Suzon. Si l’on a cassé quelque chose, tant pis pour vous !

Le commandant se hâta trop tôt de répliquer : — Est-ce que j’ai eu affaire à des personnes, est-ce que j’ai reçu ici des gens habitués à briser quoi que ce soit chez les autres ? Mais raisonnons un peu…

Au même instant, un fracas, épouvantable ébranla l’escalier, tout le château ; les vibrations de la rampe de fer, qui avait dû être froissée, répétèrent pendant quelques secondes ce bruit extraordinaire. Il fut suivi de cette apostrophe de Sara :

— Puisque vous ne me répondez pas, ni toi, commandant Mauduit, ni toi, Prosper, ni toi Morieux, voilà de quoi vous éveiller. Ce n’est qu’un fauteuil de moins dans le