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de la dépense. Aussi, reprit-il, juge de mon étonnement, de mon embarras… leur faire à dîner… toi n’étant pas là !

— Oh ! oui, et ça ne vit pas de peu, de l’air du temps, ces jolis oiseaux qui s’abattent après être venus de si loin.

— Ce n’est pas que ces messieurs aient rien exigé.

— Mais notre cuisine de tous les jours aurait paru trop simple à ces dames… Vous leur avez donné, ajouta Suzon avec son infaillible, perspicacité, des faisans, ça leur était dû, des truffes, diable ! vingt-cinq francs la livre, cette année ; du brochet, rien que ça ! des champignons, et puis du bordeaux, du champagne : vous avez saigné la cave aux quatre veines.

— Je leur ai donné un peu de toutes ces choses, avec mesure, avec discrétion, cependant…

— De ces bonnes choses ! appuya Suzon.

— Sans cela ils m’auraient traité de ladre, d’ours…

— Naturellement, monsieur, vous avez voulu leur faire voir qu’ici l’on jetait tout par les croisées, et comme le château a trois cent vingt-deux croisées…

— Tu te trompes. Ces gens-là sont d’ailleurs habitués à vivre de cette manière ; ils ne sont pas venus chez moi uniquement pour boire, rire, manger, faire bombance, ce sont des gens très-bien.

Comme le commandant achevait sa phrase, il entenditla voix de Sara qui chantait :

Dormez, habitants de Paris,
Dormez, habitants de Paris,
Que tout bruit meure,
Car voici l’heure
Du couvre-feu !

Mauduit regarda Suzon avec terreur.

Suzon eut l’air de n’avoir rien entendu, et, avec l’ac-