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— À Guernesey !

— Non !

— J’ai deux matelots de plus que vous, fit observer le capitaine Gueux, et six d’entre eux ont leurs pistolets chargés à la ceinture ; les vôtres n’ont que des haches ; la partie n’est pas égale.

— À moi, mes matelots ! cria le capitaine Grenouille, et mort à ces chiens, s’ils ne veulent pas voguer vers la France !

Les matelots anglais étaient passés à l’arrière de la chaloupe, les matelots français à la proue ; un choc terrible allait enfin trancher la question.

— Un instant ! dit le capitaine Gueux.

— Derrière ce gros nuage, j’aperçois un navire ; tenez, il vient sur nous.

Un coup de canon retentit.

— Ah ! il nous a aperçus, cria le capitaine Grenouille. C’est un navire français : tu vas la danser, capitaine !

— C’est un bâtiment anglais, au contraire. Capitaine Grenouille, vous reprendrez, s’il vous plaît, votre chambre à Plymouth.

Dans l’alternative, il y eut suspension d’armes ; amis et ennemis ne quittèrent plus des yeux le navire, qui, les ayant vus en détresse, venait sur eux. À portée de pistolets, il mit en panne et déploya le pavillon de la Hollande. Ce n’était ni un anglais ni un français.

La question de liberté et de salut ne devenait pas plus claire pour l’un que pour l’autre capitaine, car à cette époque on ne connaissait pas trop les sympathies de la Hollande, comprise dans le système du blocus continental et recevant pourtant de toutes mains les marchandises anglaises.

— Quel est celui de nous qui est prisonnier de l’autre ?