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élastique descend moins vite. Qui les reçoit ? Comment étouffe-t-on leurs cris ? Enchantement familier aux prisonniers de guerre, qui non-seulement ont la seconde vue, mais la troisième main, celle avec laquelle les voleurs, ces hommes de génie, ouvrent toutes les portes et tressent sans chanvre, sans laine, sans rien du tout, des cordes pour descendre du haut de ces tours qui ont cent pieds d’élévation.

Après l’inspection, le commissaire s’aperçut de l’absence des trois chiens. Il ordonna une perquisition générale dans les cachots. La plaisanterie n’étant pas de son goût, il se fâcha, s’irrita, parla de punition, comme si une punition, était encore possible envers les prisonniers français ! Sa colère n’amena rien. Furieux de la perte de ses deux beaux lévriers et de son bouledogue, il allait enfin partir lorsqu’un des geôliers vint à lui, portant, dans une main les colliers des trois chiens, et dans l’autre un panier où il y avait des os blancs comme de l’ivoire :

— Voilà ce qui reste à Votre Seigneurie de ses trois chiens, lui dit tristement le geôlier.

— Ils les ont mangés ! s’écria le commissaire.

— Oui, monsieur le commissaire, et à la broche.

En une heure, le capitaine Grenouille et ses compagnons avaient pris, tué, dépouillé, rôti, mangé les trois chiens de l’inspecteur des prisons.

On défendait sous des peines sévères à tout prisonnier de se procurer des instruments tranchants, même des aiguilles. À cet égard, la rigueur allait jusqu’à la démence. On craignait de leur fournir des moyens de révolte, d’assassinat, d’évasion. Aussi était-il presque impossible à un prisonnier de se procurer un clou.

Ce fut donc avec leurs mains que le capitaine Grenouille et dix de ses compagnons, rien que dix, car un plus grand