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moisir les meubles. Ses provisions étaient déposées dans un panier qu’elle remontait de la rue au bout d’une corde. Quand le panier ne descendrait plus, Sarah serait morte ; l’hôtel passerait aux hospices ; car Sarah en est sortie. De rien elle retournera à rien. Tous les, trois jours, un seul être la visitait. Rog, non le Rog d’autrefois, vif quoique, laid, généreux quoique sale ; mais Rog, hideux de vieillesse et de débauche, payant, les égarements de sa jeunesse par une oreille laissée entre les dents des dogues de bouchers. Il grattait, et on avait, tout en grondant, la faiblesse d’ouvrir. Et une vieille femme sourde, et un vieux chien aveugle, avaient quelque contentement à se trouver réunis.

Une brouille assez, grave avait pourtant compromis cet accord. Par respect pour la mémoire de ses maîtres, Sarah voulut un jour détacher du cou de Rog le collier de cuivre dont il traînait ignominieusement la marque et les armes dans la boue des ruisseaux. Rog se révolta, Sarah persista, le chien la mordit et s’enfuit avec le collier.

La vieille pleura, non de la douleur, mais de l’ingratitude, — son seul ami !

Maintenant transportons-nous dans un de ces parcs dont Londres est ombragé, reposons nos regards sur ces bouquets de famille qui fleurissent par un beau soleil. Portées dans les bras de leurs bonnes, de petites filles, jonquilles, vivantes, se balancent au-dessus du champ des promeneurs. Et c’est un ravissement de voir, à hauteur d’épi, cette génération qui doit fouler celle qui la porte.

Quel accident a tout à coup troublé l’éternelle tranquillité de ces parterres ? Un enfant, est-il tombé dans l’un des bassins en appelant les cygnes ? La foule s’accumule sur un point, ce point grossit, il roule, il s’ouvre, et il s’en échappe un chien tirant, tantôt par la robe, tantôt par les manches, mais ne lâchant jamais prise, une jeune personne