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la position de ces avocats qui n’ont qu’un argument en poche, il allait faire traîner le sien le plus possible, si toutefois il en avait un.

— On ne vole pas les enfants par amour des enfants, commença fort sensément le docteur ; on ne les prend non plus ni pour les tuer ni pour les vendre ; — contes de bonnes femmes que tout cela !

Sarah approuvait déjà la pensée du docteur, qui n’avait peut-être pas une pensée.

— Or, dans quel but les dérobe-t-on ?

Sarah posa, de plus en plus attentive, ses deux mains calleuses sur les gros genoux du docteur.

Mistress Philipps n’était nullement à la conversation.

— Avant tout, poursuivit-il, je suis convaincu que les enfants ne se perdent littéralement jamais dans les villes. Ils sont toujours recueillis, ce qui me ramène à ma première question : Dans quel but les garde-t-on ?

Le pauvre docteur n’avait encore rien précisé à travers tout cela. Il suait.

— Ce but, le voici, selon moi : ce but est toujours un intérêt ; offrez un intérêt plus grand, et l’enfant est restitué.

Des genoux, Sarah éleva ses bras jusqu’aux épaules de M. Young. Elle buvait ses paroles au sortir de sa bouche.

Mistress Philipps fit un faible mouvement vers le docteur : elle écoutait enfin.

— Et, comme ce sont à coup sûr de pauvres gens, ceux qui les volent, je crois qu’avec de l’argent…

Le docteur n’acheva pas. Une exclamation l’interrompit ; il avait touché à vif la vérité.

— Oui, docteur, avec beaucoup d’argent, mais beaucoup d’argent, Lucy est à nous.

— Sarah ! une plume, du papier, hâtez-vous !