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blancs chinés de bleu et d’interminables souliers à boucles. Moitié homard, moitié bedeau, cet homme était flanqué d’un second enfant, qui faisait sonner la cloche, dont le bruit avait attiré l’attention de mistress Philipps.

Au milieu de la place, l’homme maigre s’arrêta ; le premier enfant éleva le flambeau ; le second agita rudement la cloche.

À cet appel, toutes les rues vomirent sur la place des pêcheurs, des matelots, des écaillères, des mousses, des nuées d’enfants, qui hurlaient : Voici le bell-man ! le bell-man ! écoutons le vieux bell-man !

Bell-man signifie homme à la cloche ; sa fonction, il va la dire.

Deux cents têtes d’hommes par la forme et de harengs par l’odeur encadraient la tête osseuse du bell-man.

— Silence ! au nom du roi.

Mistress Philipps se faufila entre une marchande d’huîtres et un batelier ; l’une sentait la marée, l’autre le goudron.

— « Il a été perdu aujourd’hui, vers les quatre heures de l’après-midi, une petite fille âgée de quatre ans. »

— Volée ! affirma hautement la marchande d’huîtres.

Et le bell-man :

— Par qui ? puisque vous le savez.

— Attrape !

La harangère se tait ; une autre reprend :

— Volée ou perdue, tant pis. Pourquoi laisse-t-on courir les enfants dans la rue ?

Et le bell-man :

— Sibyl, vous avez laissé, brûler votre petit garçon l’hiver passé, taisez-vous !

— Ça ne regarde personne : si je l’ai brûlé, je l’ai fait.

Et le bell-man :