Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gnolettes et des serrures. Il en résulta, autour de la triste Anne Wilkins, une solitude où ne vint pas même la consoler son mari, jour et nuit occupé à introduire dans le monde les écus roturiers du marchand de fer son beau-père. Lord Philipps joua à la bourse, industrie de ceux qui n’en ont pas. Il gagna ; il perdit ; mais, comme les événements politiques, régulateurs de la hausse et de la baisse du crédit de l’État, n’amenaient pas toujours les chances désirées, le noble lord se fatigua d’en suivre les caprices, et, dans son audace, il falsifia les nouvelles publiques, en mit de controuvées en circulation, ce qui lui réussit la première fois, et lui valut, la seconde, la déportation. Quoique éloignée d’avoir de l’attachement pour son mari, mistress Philipps ne fut pas moins affligée de la condamnation dont il avait été frappé. Une partie de ce déshonneur rejaillirait peut-être sur sa maison, sur sa fille Lucy, née à cette triste époque de sa vie ; sa douleur ne fut pas même adoucie par la pensée que lord Philipps lui reviendrait de l’exil corrigé par l’infortune. Ses lettres, écrites de Sidney dans la Nouvelle-Galles, étaient de perpétuelles demandes d’argent, formulées en menaces et en vœux infâmes de voir mourir bientôt sa femme, pour avoir la gestion de ses biens jusqu’à la majorité de sa fille Lucy.

Comprend-on maintenant pourquoi mistress Philipps, qui eût rougi de prendre le titre de lady, tenait tant à mettre sa dot à couvert de la rapacité de son mari, en l’assurant à sa fille par le moyen détourné qu’elle avait proposé au docteur ?

De lassitude elle s’endormit, les mains jointes sur son cœur, où était sa souffrance.

Rog sommeillait à ses pieds, le museau et les pattes dans les cendres chaudes.

Les dernières lueurs rougeâtres des charbons éclairaient