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fitais de l’avertissement… monsieur ! que savez-vous du combat si meurtrier qui s’est livré ici ?

— Ici ?

— Oui, ici.

— Dans quel temps ?

— En 1815.

— En 1815 ?… Non, ce n’est pas en 1815.

— Comment, non ?…

— Je vous dis qu’en 1815 je n’étais pas ici, j’étais dans la Frise.

— Mais vous ne savez rien ?…

— Sur la Frise ?

— Non, sur la Haye-Sainte, où nous sommes, où je vous parle en ce moment. Voyons, rappelez vos souvenirs.

Le vieux paysan, me regardant d’un œil clair et d’un air hébété, me dit :

— Auriez-vous appris quelque chose de nouveau làdessus ?

Je saluai cet honnête vieillard, lui souhaitant, à la manière de Fénélon, la continuation de cette existence calme qui lui laissait ignorer jusqu’aux cruautés exercées par la guerre à la place où il fumait paisiblement sa pipe et aiguisait sa faux. Il ne restait plus pour m’instruire que l’enfant et le chien. Je n’osai pas les interroger : ils auraient pu me répondre un peu mieux que ces êtres intelligents. Voilà où en sont déjà les souvenirs de Waterloo en 1849 !

Je dois pourtant ajouter ceci : mon guide m’affirma que les gens interrogés par moi n’étaient pas les maîtres de la Haye-Sainte. C’était, me dit-il, une famille de faneurs, comme on en voit beaucoup en Belgique, se louant à la quinzaine pour le temps de la fauchaison, et retournant ensuite dans leur pays.

Le château d’Hougoumont, où j’allai directement en sor-