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tout d’un trait, sous peine d’avoir le vertige en s’arrêtant sur un plan incliné à faire peur. Là rapidité de l’ascension en neutralise en partie le danger. On arrive enfin essoufflé, brisé, au sommet de la montagne, plate-forme irrégulière beaucoup trop étroite pour la quantité, de visiteurs qu’elle devrait contenir, et qu’elle ne contient pas. À peine y a-t-il une marge de deux pas entre le socle du monument et le bord même de la montagne. Par le vent impétueux qui souffle presque constamment sur cette hauteur, on est fort exposé à être précipité. Les gens nerveux feront sagement de renoncer à ce voyage aérien. Le socle qui porte le lion est formé de cette éternelle pierre bleue si commune en Belgique ; il a trois marches hautes chacune de trois pieds. Ces lourdes assises supportent le bloc carré de dix-huit à vingt pieds d’élévation, où on lit cette simple inscription : xviii juin mdcccxv, et au sommet duquel l’héroïque animal est fixé. Ces diverses pièces superposées l’élèvent si haut, qu’il est difficile de le voir à son aise des divers points de la plate-forme où l’on se place, quoiqu’il ait quatorze pieds : on ne distingue bien qu’une partie de sa tête et de sa queue. Il n’est pas en bronze, ainsi que quelques voyageurs l’ont écrit, mais en fer bronzé ; sa patte s’appuie sur une grosse boule du même métal. Il a été fondu à Seraing, dans un des ateliers du célèbre Cockerill. Ce morceau ne mérite aucune mention comme œuvre d’art, et c’est une faute. Quand on croit avoir gagné la bataille de Waterloo, quand on appelle de tous les points cardinaux la curiosité des peuples sur une place unique dans l’univers, on doit un autre monument à l’histoire et à l’a postérité. Il est un peu trop sans façon de commander à un industriel belge, comme on lui aurait commandé une locomotive, un lion destiné à résumer la plus grande bataille des temps modernes. Pourquoi de fer ?