Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous étonne, vous, d’un pays où l’on n’aura bientôt plus d’enfants ; apprenez donc que les familles anglaises qui ont perdu huit enfants à Waterloo sont très-communes, et qu’il y en a en Irlande qui ont eu à pleurer la, perte de douze fils, morts ici, à cette place.

— Je vous demande grâce, madame, pour mon étonnement ; je partage votre douleur. Vous accomplissez un devoir honorable…

— Et forcé, ajouta-t-elle.

— Comment ! forcé ?

— Je n’ai hérité de tous les biens patrimoniaux que j’aurais partagés avec mes huit frères, s’ils eussent vécu, qu’à la condition, imposée par mon père dans son testament, que je viendrais chaque année pleurer ici sur leur tombe.

— Vous savez donc où est leur tombe ?

— Non, monsieur ; aussi je pleure, un peu partout.

Nous foulions enfin la route de Gennape, nous roulions sur la voie pavée, et très-mal pavée, qui lie Waterloo à Mont-Saint-Jean. Quoique placés sous l’autorité d’un seul bourgmestre, celui de Waterloo, ces deux hameaux sont encore à une assez grande distance l’un de l’autre. Ils ne se distingueraient guère, de nos plus chétifs villages de France sans l’admirable propreté de leurs maisons. L’église de Waterloo affecte cependant quelque caractère, mais un caractère qu’on pourrait appeler au-dessus de sa position. Elle a une espèce de fronton, une espèce de dôme ou de ballon de pierre, une espèce de portique dont s’honorerait une population de trois mille âmes, ce que Mont-Saint-Jean et Waterloo réunis sont fort loin d’avoir. Au fronton de cette église, on lit une inscription qui vous apprend que le marquis de Gastanaga, gouverneur des Pays-Bas pour le roi d’Espagne Charles II, en posa la première pierre l’an 1690. La bataille que les Anglais ont appelée du nom de ce