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— Le piqué vert.

— C’est impossible, mon colonel… Vous êtes trop pâle ce matin… Le vert tuerait votre teint…

— Tu trouves ?…

— Vous ne pouvez mettre que le piqué bleu.

— Le piqué bleu, soit… Mais, sors de la maison ensuite, et n’y remets plus les pieds, entends-tu ?

— Irai-je vous chercher un barbier pour me remplacer ?

— Un barbier !… une main étrangère sur mon visage ?…

— Vous vous raserez : donc vous-même, mon colonel ?… Mais vous ne savez pas vous raser…

— Rase-moi encore aujourd’hui… Demain je verrai.

— Oui, mon colonel… Je ne m’en irai donc que demain ?

— Habille-moi, grommela le colonel, furieux, exaspéré de ne pouvoir se passer du valet de chambre qu’il renvoyait pour n’être pas réduit à l’assommer de coups.

Jamais Poliveau ne se montra plus leste et plus adroit dans son service de valet de chambre. Quand le colonel fut paré, attifé, brillant, il se tourna vers Poliveau, et lui dit :

— Où est ma montre ?

— Mon colonel, j’allais vous la donner…

En glissant la montre dans la poche de son gilet, M. de Lostains sent qu’elle est arrêtée par un obstacle… Qu’est-ce donc ? se demanda-t-il. Il sort la montre, fouille dans la poche, et il en retire un papier de soie qu’il déplié lentement…

— Un billet de banque ! Mais ce gilet revient de la blanchisseuse !

— Oui, mon colonel, et vous ne l’avez pas encore mis depuis que Victoire l’a rapporté. C’était le jour du petit souper…

— Comment ce billet de banque se trouve-t-il dans la poche de ce gilet ?… Je m’y perds… Enfin… il est heureux