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— Dans quel but, vil gredin ?

— C’est moi qui ai mystifié madame votre tante en lui faisant croire que vous vouliez la forcer à aller au sermon…

— Dans quel but ? Me l’apprendras-tu, abominable gueux ?…

— C’est encore moi qui lui ai dit que vous aviez acheté tous ces tableaux de nudité pour éprouver vos sens… que vous étiez plus dévot qu’un marguillier…

— Mais me diras-tu enfin dans quel but, scélérat ? s’écria le colonel en abaissant comme un tranchant de hache le jonc malais sur la joue de Poliveau.

Le coup fut terrible, mais mal dirigé ; il ne fit qu’effleurer l’oreille et les favoris du valet de chambre, qui y vit blanc et rouge cependant.

Machinalement, par l’instinct féroce de la, colère, il se précipita sur le faisceau d’armes accroché sur la tête du colonel. Celui-ci l’arrêta par le cou, et lui dit :

— Où vas-tu ?

— C’est pour vous dire de plus près, mon colonel, dans quel but j’ai fait tous ces mensonges. J’ai peur qu’on ne nous entende de la pièce voisine, et les rideaux de votre lit étouffent la voix.

— Dans quel but ? demanda une quatrième fois le colonel sans lâcher Poliveau, dont il serrait les muscles du cou.

— Pour vous empêcher, mon colonel, de vous marier avec la femme que votre tante venait vous proposer d’épouser ; et j’ai réussi…

— Et pourquoi as-tu empêché ce mariage ?

— Pour que vous ne cessassiez pas d’être l’amant de mademoiselle Praline…

— C’est donc Praline qui t’a conseillé tout ce que tu as fait ?

Un silence affirmatif fut la réponse de Poliveau, toujours tenu par la gorge.