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— Silence !… Je cours à l’hôtel, venez-y tout de suite. Plus un mot !…

Poliveau disparut.

À six heures, le même jour, Victoire et Poliveau causaient dans la pièce qui précédait la salle où le colonel se livrait de plus en plus aux sombres accès de sa mélancolie. Ils étaient censés parler très-bas ; mais ils se conformaient si peu à leur intention, que le bourdonnement de leur conversation arrivait fort distinctement aux oreilles de M. de Lostains. Il avait reconnu la voix fraîche de la blanchisseuse ; elle lui parut d’abord une heureuse distraction à son humeur noire ; il l’écouta ; enfin il se lève, entrouvre la porte, et dit :

— Qui est là ?

— Mon colonel, répond Poliveau, c’est Victoire qui apporte le linge…

— Ah ! c’est Victoire ?

— Oui, monsieur le colonel, c’est moi…

Un joli museau rose se montra entre les d’eux portes.

— Pourquoi n’entrez-vous pas ici ?

Le joli museau rose s’entr’ouvrit pour répondre :

— C’est que je n’ai plus rien à faire… je m’en vais…

Victoire passa le bras sous l’anse de son panier à linge.

— C’est que j’ai des reproches à vous adresser…

— À moi ! monsieur le colonel ?

Victoire avait fait quelques petits pas en avant ; le colonel, de son côté, s’était un peu avancé ; quant à Poliveau, il n’était plus là.

— Vous me faites souvent attendre mes cravates, mon enfant…

— Oh ! jamais, monsieur le colonel, jamais !

— Comment ! un démenti à mes vieilles moustaches ! Est-ce qu’elles ne vous font pas peur ?…